La bataille de Manassas 3
3. La République et l’empire
Mon hôte Ken est né à Atlanta. Mais je n’aurais pas pu le deviner. Les habitants des condos sont des Américains à couleur locale diluée. Ils parlent la langue de l’université. C’est pour eux que le DC a été construit : une capitale née d’une décision politique. D’ailleurs, Washington n’appartient à aucun des États de l’union. Pour la construire, le sénat a mandaté un architecte français. L’architecte a conçu Federal City, une ville à plan carré. Les rues horizontales ont des chiffres (comme la rue 14), et les rues horizontales ont des lettres (comme la rue U). Des plus grosses avenues à 45 degrés portent les noms des États et mènent à des constructions impériales. Après la mort du premier empereur, on a donné son nom à Federal City, qui est devenue Washington, la ville conçue pour échapper au particularisme. Signe de son statut à part : elle n’a pas de gratte-ciel.
Les expatriés qui habitent les condos sont la République américaine. Depuis le Viêt-Nam, les empereurs ont aboli les impôts des citoyens fortunés et ils ont dépensé les deniers du trésor public pour équiper des légions. Un déficit insondable s’est creusé. Des groupes de la société civile prennent en charge la radio publique, les parcs, les musées et une partie des services sociaux. Ces groupes surveillent aussi le gouvernement, selon le principe américain du check and balance. Tous ces développements ont entraîné la croissance démographique des résidents de condos. Ils sont aujourd’hui un million. C’est ce qui explique l’assagissement de Washington.