Jogging de mars
Vendredi aux Foufs, Ariane m’a donné un gâteau magique. Il pleuvait. Des flaques énormes camouflaient des fonds en glace et des nids de poule insondables.

Pendant la nuit, un souffle de printemps a rendu les trottoirs praticables. J’ai été à la banque pour parler de planification de ma retraite. Un jour viendra vite où je vivrai de ce que j’aurai été capable de me laisser. Le banquier était aimable. Il m’a raconté que ses amis revenaient de Thaïlande. Tout le monde doit avoir de l’argent autour de ce banquier. Pour le voir comme mon ami, je l’imaginais habillé en Nike plutôt qu’en complet. Il m’a donné un guide d’investissement personnalisé.
En sortant de la banque, j’ai  mangé le gâteau magique et j’ai mis mes souliers de course. J’avais du sucre et du gras pour me propulser. J’ai pris par la rue Notre Dame le chemin des îles enchantées du parc Jean-Drapeau. Cet été je m’étendais là bas sous la voûte des arbres en me promettant de revenir voir à l’automne ou à l’hiver.
Alors que je longeais l’usine Molson, le gâteau magique a commencé à faire
parler des voix dans ma tête. Elles me disaient que j’étais cocu et délaissé. Elles m’annonçaient que je serais vieux et pauvre. J’ai croisé des gars qui courraient plus vite que moi sur le pont de la Concorde. Le vent les poussait.
J’ai arrêté de courir dans le terrain des floralies. Mon touch down était trop brusque. Les muscles de mes jambes ont eu un spasme. J’étais étourdi.  J’aurais dû mieux m’étirer avant de partir.
Je voulais prendre des photos de la nature. Les sentiers étaient perdus sous la neige fondante. Cet été, je faisais plusieurs tours du bassin olympique. Je courrais le gilet sur la tête pour me protéger du soleil jusqu’à ce que je sois détrempé de sueur. Je me plongeais ensuite dans le bassin froid et je sentais le marécage en sortant.
J’ai tourné du mauvais côté en cherchant le métro. Il a fallu que je revienne à pieds. Il ventait encore contre moi. J’ai gardé mes
mains nues pour faire des photos. La lumière déclinait. Les voix dans ma tête chantaient la chanson de la solitude. Elles m’ordonnaient de détacher tous les liens pour prévenir tous les deuils. Vers le milieu du pont, un gros rayon printanier a transpercé les nuages.
Je suis atterri au Yermad. Les barmans m’ont donné de l’alcool et de la chaleur. Je suis resté longtemps avec eux.