La poupée vaudou
L’autre jour, mon nez s’est mis à couler d’allergie après la piscine. Je suis allé chez Fred pour me guérir avec un joint. Mais il était plié en deux par une fièvre. On a essayé de souper. Il a vomi. Il souffrait. J’étais impuissant. J’ai fini mon steak en disant rien. Il a braillé. J’ai appelé à l’aide. L’infirmière du 811 lui a dit de prendre de la codéine. Il est allé s’étendre. J’ai lu en attendant. Puis la crise est passée. Fred est redevenu normal. L’aiguille plantée dans sa poupée vaudou venait d’être enlevée. On s’est mis à jaser. La douleur, la vivre, la voir, la gérer, c’est plate. Alors que la raconter, ça peut être le fun. Ainsi, il n’y a jamais de vrai lien entre la souffrance et son histoire. C’est pour ça que personne ne comprend les vétérans.
Luc est arrivé pour réparer l’ordi à Fred. Luc est un gros chauffeur d’autobus. Il était en habit STM. Il s’est installé sur une chaise à gauche en avant pour opérer les commandes de l’ordi. Fred et moi on était assis côte à côte sur un banc en arrière. Des fois on parlait au chauffeur, des fois on se parlait des boutes de conversation juste nous deux. Tout était pareil comme dans un autobus quand on connaît le chauffeur. Si on voulait trop placer un mot, Luc disait : « là , je t’arrête tu suite ». Il racontait des histoires de violence. Les chauffeurs aiment ça, les histoires de violence.
Le problème de l’ordi à Fred, c’est qu’il a trop de composantes audio. Son ampli vient de l’armée. Il servait à traiter des ondes courtes sur un bateau. Le gars qui l’opérait faisait une job vitale au plan opérationnel. Il portait un uniforme mais, il était un non combattant. Il croyait qu’il s’était trouvé une job d’armée pour survivre à la guerre. Mais pogné qu’il était pour rester le dernier dans le bateau pour envoyer les messages, il aurait presque mieux aimé être dans le combat quand le kamikaze a sauté sur le bateau.
retrouvant mon père trois ans plus tôt je m’informais de cette croyance qu’englobe la nature du vaudou. beaucoup d’haïtiens que j’ai entrevu dans mon enfance m’appellaient l’enfant « marassa ». l’enfant né de deux parents jumeaux. effectivement, cela était mon cas. d’une mère québecoise blanche francophone jumelle et d’un père haïtien noir jumeau mais avec une soeur, cela me donne le pouvoir d’être protégé de tous sorts maléfiques. c’est aussi l’enfant qui porte en lui deux âmes car dans le foetus durant sa croissance il aurait mangé l’âme de son jumeau. mise en garde contre tous ceux qui voudront lui faire du mal. il a malgré lui le pouvoir de punir à sa guise. de mon vivant j’aimerais un jour voir de mes yeux un rituel, une séance de vaudou. ce n’est que ça qui me rapproche à cette culture. Haïti. c’est ce que le mot « VAUDOU » me rappelle à chaque fois. mais le pauvre…il est mort sur le bateau ?!! quelle histoire ! BRAVO ! quand l’aiguille est entré, elle ne fait pas que ressortir, elle y laisse aussi son poison. La Poupée Vaudou m’a bien diverti. merci.
Simon Hillman