Le défaut de la Madame
Le pire défaut de la Madame, c’est d’avoir un chien. En plus, quand elle a de la peine, elle tient des propos horribles. À Noël par exemple, j’ai été mufle avec elle. Comme représailles, elle m’a comparé avec son chien, qui lui au moins est tout le temps content de la voir. La Madame ne devrait pas me remettre ce temps des fêtes sous le nez: la rancune, ça prévient l’Alzheimer, mais ça donne le cancer.
Plus récemment, quelqu’un d’autre a fait de la peine à la Madame. Mais c’est quand même moi qui ai dû écoper: il a fallu que je l’entende dire qu’elle aime mieux son chien que les gens. Une idée à classer dans la même poubelle que des menaces de suicide.
À la radio, une femme a raconté à  la Charrette l’histoire de ses animaux. Cette femme a survécu à deux cancers. À Iqaluit, elle a flatté un chien. Il l’a suivie et elle l’a adopté. Apparemment, personne ne caresse les chiens à Iqaluit. Là -bas les chiens ont une utilité autre qu’émotive. Ce qui est un mauvais signe sur cette lointaine société. Toute société où les chiens jouent n’importe quel rôle est une société arriérée, primitive et / ou gravement dégénérée. Au Japon, les enfants ont des tamagoshis. Les tamagoshis sont des animaux virtuels. Ce jouet pédagogique leur évite de prendre la mauvaise habitude des animaux réels. À la fin de l’entrevue, l’invitée de la Charette a précisé qu’elle procède de la même manière que le chien d’Iqaluit quand elle se fait des amis : elle suit ceux qui la flattent. J’étais abasourdi mais inspiré. J’ai dit à la Madame que c’est tu poche un peu comment les Québécois se servent des chiens comme substituts affectifs. Ils les nourrissent ils leur donnent des noms idiots ils leur parlent ils les laissent coucher dans leur lit.
Au moins au Québec, les chiens sont rares (comme les enfants qu’ils remplacent). En Roumanie, il y a des packs de chiens sauvages. 200 000 rien qu’à Bucarest. Très mauvais, ces chiens là . Ils ont mordu le délégué de la Banque Mondiale.
Les animaux se ramollissent beaucoup à force de domestication humaine. Stéphane du Bell gardait le chat et le suisse de ses parents pendant leur croisière. Le chat et le suisse jouaient ensemble comme si il n’avait jamais été question que personne ne soit le prédateur de personne.
Poéro m’a fait l’honneur d’une visite. C’était bien le fun. Mais il est venu avec son pit-bull. La Madame était là . Elle a commencé à jouer avec le chien. Poéro s’est frosté la face. Il est allé saluer un beau-frère qui reste sur ma rue. Il a laissé le chien chez nous en garderie pour «deux minutes». La Madame lui a fait faire toute une série de ti tours débiles. Rouler par terre, demander son nonosse. Je soupirais de consternation. Poéro continuait à bretter chez le beau-frère. La Madame était attendue par « quelqu’un » à qui elle avait promis de faire le souper -son chien à elle. Je suis donc resté pris tout seul avec l’atroce pit-bull. Il scènait pour avoir de l’attention pendant que je jouais à l’ordinateur. Serge qui me coupait les cheveux dans le temps disait «les chiens ils viennent te chercher». Il en gardait un dans son espace de travail. J’ai arrêté d’aller le voir parce que j’étais tanné d’avoir des allergies en même temps que je me faisais couper les cheveux. Et aussi parce que j’en avais ma claque de voir des cabotinages, de me faire japper après et d’entendre des histoires de chien.
La Madame était de bonne humeur le lendemain de la visite de Poéro. Elle m’a dit qu’elle m’aimait plus que son chien. Je lui ai répondu «c’est flatteur en tabarnac ça. Moi d’abord je t’aime plus que mes portes d’armoire.» Que j’ai beaucoup amélioré dans un message texte le soir : «Quiconque m’apportera cinq têtes de chiens fraîchement sciées aura mon cÅ“ur.» (Ce qui n’était même pas vrai : personne sur terre n’aura jamais mon cÅ“ur.) Dans ses vengeances, la Madame m’a menacé de domper les têtes de chien dans mon lit comme dans un épisode du Parrain. Elle a aussi rectifié : c’est son chien qu’elle aime le plus. Si son chien et moi on se noie, c’est le chien qu’elle va aller sauver.
Dans l’escalier du métro à Laval, deux gars faisaient perdre leur temps aux passagers en leur demandant de signer une pétition contre la cruauté envers les animaux. D’après la radio, un activiste animalier a proclamé que la noyade de quatre chasseurs de phoques était triste, mais moins que l’abattage de plusieurs milliers de blanchons. Les jeunes branleux à pétition avaient un logo qui disait EXTERMINATION – ANIMAUX avec un gros X. Il était beau ce logo: je pourrais le récupérer tel quel pour le Parti Zoophobe Exterminationiste que je devrais fonder.
C’est de 2008 et non de 2009. LÃ je te neyerais avant et poserais les questions ensuite.
On entend souvent dire qu’à force de fréquenter quelqu’un, ses défauts et/ou ses qualités, finnissent par déteindre sur nous.
Je cite:
« J’ai dit à la Madame que c’est tu poche un peu comment les Québécois se servent des chiens comme substituts affectifs. Ils les nourrissent ils leur donnent des noms idiots ils leur parlent ils les laissent coucher dans leur lit. »
Je reformule librement:
« J’ai dit à Alain que c’est tu poche un peu comment les Darlingiens se servent de leur CHAT (lire Ti-Blanc) comme substitut affectif. Ils le nourrissent, ils lui donnent un nom idiot (dans ce cas-ci hautement non-original), ils lui parlent, lui ouvre la porte plusieurs fois par jour pour faciliter ses déplacements, le caressent, le prennent en photo (voir la page d’accueil de ce site), le laissent pisser sur leur futon et sur les personnes qui y dorment, le laissent honteusement sombrer dans l’obésité et le laissent dormir dans leur lit. »